Mise en concurrence des titres d’occupation des emprises du domaine public : un principe et de nombreuses exceptions.

Les opérateurs économiques occupent ou utilisent régulièrement des emprises du domaine public. Les illustrations sont très nombreuses, que ce soit par exemple sur la voirie publique (terrasses de café, distributeurs automatiques de billets, manifestations foraines), dans les ports ou aéroports (galerie commerciale) ou dans le cadre de la réalisation d’un bâtiment ou d’une infrastructure assis sur une emprise foncière relevant du domaine public.

Les conventions par lesquelles l’autorité publique gestionnaire accorde ce droit d’occupation/utilisation devront désormais être mises en concurrence. Le texte réserve toutefois de nombreuses exceptions.

Une mise en concurrence instaurée par l’ordonnance du 19 avril 2017

La variété des formes d’occupation possibles et la difficulté de leur appliquer un régime uniforme avaient jusque-là dissuadé le législateur et le juge administratif d’instaurer, de façon systématique, des règles de publicité et de mise en concurrence dès lors que le titre d’occupation, tout en étant le siège d’une activité économique, ne renfermait pas de commande publique (c’est à dire ne conduisait pas son titulaire à fournir une prestation à l’autorité publique gestionnaire moyennant un prix) [1]

L’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 [2] revient sur cet état du droit. Elle instaure, pour les titres délivrés à compter du 1er juillet 2017, «une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester» (art. 2122-1-1 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques «CG3P »)

Son objectif est d’assurer une meilleure valorisation du domaine public, une plus grande équité et une mise en cohérence du droit national par rapport aux exigences de la jurisprudence communautaire [3]

Quelles sont les emprises concernées par cette mise en concurrence ?

Il s’agit des biens (immobiliers ou mobiliers) appartenant au domaine public de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics (ou ceux destinés à leur être incorporés à court terme). Les biens visés sont ceux affectés (i) à l’usage direct du public ou (ii) affectés à un service public à la condition qu’ils disposent d’un aménagement spécial prévu à cet effet (art. 2122-1 du CG3P). Leur occupation/utilisation doit avoir pour finalité une « exploitation économique ». En revanche, l’occupation des biens relevant du domaine privé et/ou opérés dans une optique non économique n’est pas concernée.

Quelle est la consistance de procédure de sélection préalable?

La procédure de sélection préalable est «librement» organisée par l’autorité compétente (L. 2122-1-1 du CG3P). En pratique, elle devrait consister à faire en sorte que tous les candidats potentiels puissent se manifester par le biais d’une publicité préalable, qu’ils soient traités de la même façon, qu’ils reçoivent le même niveau d’information et, que les règles de la consultation, notamment les critères d’attribution du titre et leurs conditions de mise en œuvre, soient préalablement portés à leur connaissance sans pouvoir évoluer au cours du processus de sélection.

Une simple information préalable doit être mise en œuvre lorsque la délivrance du titre d’occupation n’a pas pour effet de restreindre la libre concurrence, c’est-à-dire pour les occupations de courte durée ou lorsque le nombre de titres disponibles pour une activité donnée n’est pas limité (ex. offre foncière disponible suffisante).

Quelles sont les exceptions à la procédure de sélection ?

Différentes exceptions ont été prévues pour prendre en compte des situations particulières : (i) lorsque le titre est conféré par un contrat de la commande publique ayant au préalable donné lieu à mise en concurrence, (ii) en cas d’urgence ou encore (iii) en cas de prorogation provisoire d’une autorisation d’occupation existante (L. 2122-1-2 du CG3P).

Avec plus de souplesse encore, le texte écarte la procédure de mise en concurrence lorsque cette dernière s’avère «impossible ou non justifiée» (L. 2122-1-3 du CG3P). Cela devrait en pratique concerner de nombreuses situations, le texte prévoyant les cas suivants sans fixer de listes exhaustiveslorsque le bénéficiaire du titre dispose d’un droit exclusif d’usage, lorsque le titre est délivré à une personne publique sous la surveillance directe de l’autorité gestionnaire ou à une personne privée dont les activités sont sous le contrôle étroit de cette autorité, lorsque la procédure de sélection s’est révélée infructueuse, en raison des caractéristiques particulières de la dépendance (géographiques, physiques, techniques ou fonctionnelles), ou encore en raison d’impératifs d’autorité publique ou de sécurité, etc.

Le gestionnaire doit rendre public les motifs de fait et de droit retenus pour écarter la procédure de mise en concurrence.

La délivrance d’un titre à la suite d’une manifestation d’intérêt spontanée

Lorsque la délivrance d’un titre est consécutive à une demande spontanée d’un opérateur, la procédure est adaptée et ne consiste qu’en «une publicité préalable» afin de s’assurer de l’absence de manifestation d’intérêt concurrente L.2122-1-4 du CG3P).

Quelle est la durée du titre d’occupation?

Corollaire de l’obligation de mise en concurrence, la durée du titre d’occupation est désormais davantage encadrée de manière à ne pas restreindre ou limiter la concurrence <i”>«au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l’amortissement des investissements projetés et une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis, sans pouvoir excéder les limites prévues, le cas échéant, par la loi» (L. 2122-2 du CG3P)</i”>

<i”>Quel montant de redevance ?
</i”>

La détermination du montant de la redevance doit, comme par le passé, tenir compte de l’avantage économique retiré par letitulaire du titre d’occupation (L. 2125 du CG3P). Le montant proposé par le candidat pourra être un critère d’attribution du titre d’occupation.

Enfin, lorsque l’occupation du domaine public est autorisée par un contrat de la commande publique ou qu’un titre d’occupation est nécessaire à l’exécution d’un tel contrat, les modalités de détermination du montant de la redevance sont fonction de l’économie générale du contrat. Lorsque ce contrat s’exécute au seul profit de la personne publique, l’autorisation peut être délivrée gratuitement (L.2125-2 du CG3P).

Quel contentieux?

La mise en concurrence irrégulièrement menée en application des dispositions ci-dessus ne sera sans doute pas contestable sur le fondement des procédures de référés (pré)contractuelles propres au droit de la commande publique [4]. En revanche, la méconnaissance de ces dispositions pourrait être contestée sur le fondement des procédures contentieuses administratives de droit commun (en référé ou au fond) et fragiliser la validité du titre jusqu’à entraîner son annulation.

Le cabinet Aramis a mis en place un département droit public des affaires depuis le mois de septembre 2016.

Pour toutes questions, n’hésitez pas à contacter Etienne Amblard, associé responsable de la pratique du droit public des affaires.

Tel: 01-53-30-87-54, amblard@aramis-law.com

[1] CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris et Association Paris Jean Bouin, n°338272, publié au Recueil Lebon.

[2] Ordonnance relative à la propriété des personnes publiques, prise sur le fondement de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi Sapin II).

[3] CJUE, 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, affaire C-458/14 ET c-67/15 .

[4] En ce sens: CE 14 février 2017, SMPA, n°405157.