Publicité pour l’alcool et Internet: la Loi Evin modifiée

La publicité pour l’alcool sur Internet vient d’être autorisée par les dispositions de la loi « portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires » n°2009-879 du 21 juillet 2009.

Situation antérieure

Pour mémoire, l’article L. 3323-2 du code de la santé publique (CSP) créé par la loi dite « Evin » du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, prévoit une liste limitative de supports pouvant véhiculer la publicité pour les boissons alcooliques. Internet ne figurant pas dans les supports autorisés, toute forme de publicité en ligne pour des boissons alcooliques devait être considérée comme interdite.

Cette situation a fait l’objet d’un contentieux récent initié par l’ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie) contre le site Internet www.heineken.fr.

Le site faisait la promotion de la bière Heineken, de manière attractive et ludique. Dans une ordonnance de référé du 8 janvier 2008, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rappelé qu’Internet ne figurait pas sur la liste énumérant les supports autorisés et estimé que la publicité diffusée par la société Heineken sur son site violait l’interdiction issue de la loi Evin. Cette interprétation a été confirmée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 13 février 2008.

Cette affaire a fait l’objet de nombreuses critiques dans la mesure où, compte tenu de la définition large de la publicité, l’interdiction prononcée par la Cour d’appel de Paris peut être étendue aux sites consacrés à la vente de produits alcooliques et ce qui implique de condamner l’activité de ces derniers.

A la suite de ce contentieux, plusieurs propositions de loi ont été déposées en faveur de la publicité en ligne pour l’alcool et ce débat a finalement été intégré dans le vote de la réforme de l’hôpital.

Réforme de la loi du 21 juillet 2009

L’article 97 de la loi du 21 juillet 2009 précitée insère à la fin de la liste des supports autorisés par l’article L. 3323-2 du CSP, un alinéa 9° portant sur :

« Les services de communications en ligne à l’exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle. »

L’interdiction de la publicité pour l’alcool en association avec la jeunesse et le sport n’est pas une nouveauté puisqu’elle était prévue dans l’ancien Code des débits de boissons dans sa rédaction antérieure à la loi Evin. Le Bureau de Vérification de la Publicité (désormais Autorité de Régulation Professionnelle de Publicité) avait également repris cette limitation dans sa recommandation « Alcool » de juillet 2004.

En revanche, l’interdiction en fonction de la technique de publicité en ligne est réellement novatrice, aucun texte législatif ou réglementaire français n’avait fait référence jusqu’à présent aux notions de publicité intrusive ou interstitielle.

Ces termes, qui ne sont pas définis dans le texte de loi, ne manqueront pas de créer une certaine insécurité juridique pour les acteurs du marché au regard de la diversité des techniques de publicité sur Internet (bandeaux publicitaires, pop-up, pop-under, pages interstitielles, liens commerciaux, référencement?).

Cette réforme de la loi Evin apporte au CSP deux autres évolutions marquantes en matière de boissons alcooliques :

– l’article L. 3342-1 est modifié afin de relever à 18 ans l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs. L’offre d’alcool à titre gratuit à des mineurs est également interdite dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. Il est précisé que la personne qui délivre la boisson peut exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité.

– la pratique des « open bars » est désormais interdite selon les nouvelles dispositions de l’article L. 3322-9 : « Sauf dans le cadre de fêtes et foires traditionnelles déclarées, ou de celles, nouvelles, autorisées par le représentant de l’État dans le département dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, ou lorsqu’il s’agit de dégustations en vue de la vente au sens de l’article 1587 du code civil, il est interdit d’offrir gratuitement à volonté des boissons alcooliques dans un but commercial ou de les vendre à titre principal contre une somme forfaitaire ».