Bons d’achat octroyés aux salariés et TVA

Le traitement fiscal des bons d’achat consentis aux salariés a récemment fait l’objet d’une actualité particulièrement intéressante en matière de TVA, à l’initiative de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

1. ACTUALITE : ARRET CJUE DU 29 juillet 2010 aff. 40/09

Les faits étaient simples : la société Astra Zeneca, société de droit anglais, avait acquis des bons d’achat à un prix incluant la TVA, puis consenti ces mêmes bons à ses salariés leur permettant d’acquérir des biens ou des services dans des commerces particuliers. Ils n’en présentaient pas moins une particularité donnant à l’affaire un caractère spécifique : l’octroi des bons d’achat était partie intégrante du système de rémunération des salariés. La rémunération octroyée était double : un montant en espèces et des avantages parmi lesquels les bons d’achat en litige.
La Cour apprécie les relations contractuelles entre le salarié et la société et considère en premier lieu qu’en fournissant des bons d’achat à ses salariés contre la renonciation, par ces derniers, à une partie de leur rémunération en espèces, la société accomplit une activité économique.
Elle constate ensuite que le système de bons d’achat ne permet pas l’acquisition immédiate de biens et de services mais offre un droit futur et indéterminé quant à son objet. La fourniture desdits bons ne transfère pas immédiatement le pouvoir de disposer d’un bien, ce qui conduit la Cour à qualifier la fourniture de bons en prestations de services.
La Cour précise enfin que la prestation de services ainsi identifiée est effectuée à titre onéreux et que l’employeur est de ce fait tenu de payer la TVA sur la rémunération en espèces à laquelle les salariés ont renoncé.

2. Incertitudes

La solution retenue par la Cour présente un enjeu fiscal significatif pour les entreprises qui distribuent des bons d’achats à leurs salariés. Les contours de cette décision devront être appréciés à la lumière des jurisprudences et positions administratives françaises futures afin d’apprécier si les avantages en nature octroyés aux salariés en contrepartie de leur travail doivent désormais faire l’objet d’une approche sociale et contractuelle différente.

S’agissant particulièrement de la question de la transposition de cette décision de la CJUE aux titres dits de façon générique « cadeaux », il est nécessaire de relever qu’à la différence du système examiné par la Cour, ces titres doivent, en France, être consentis en dehors de toute rémunération afin de bénéficier de régimes sociaux et fiscaux dérogatoires (Bulletin officiel des impôts 5 F-4-10 notamment). Ils revêtent ainsi la nature de cadeaux et doivent être strictement distingués des rémunérations versées en contrepartie d’une quelconque activité. Cet arrêt appelle, à cet égard, les émetteurs de titres cadeaux à la nécessaire vigilance dont ils doivent faire preuve dans leurs relations avec leurs clients entreprises afin de les alerter sur les conditions d’octroi des titres.

Mais cet arrêt présente également un intérêt non négligeable dans les relations entre sociétés émettrices et acquéreurs de bons d’achats. Cette jurisprudence pourrait en effet modifier la position de l’administration fiscale française formalisée en matière de TVA quant aux sommes versées à la société émettrice par les acquéreurs de coffrets cadeaux ou de cartes prépayées (rescrit n°2007/31 du 18 septembre 2007 et lettre DLF du 20 mai 2009 adressée à CMS Bureau Francis Lefebvre). Pour écarter ces opérations du champ de la TVA, l’administration fiscale s’appuie notamment sur le motif qu’à la date de la vente, la nature des prestations, de même que la date et l’identité du prestataire, ne sont pas identifiées.

Or, dans l’affaire jugée par la Cour européenne, les mêmes incertitudes ont été relevées mais ont conduit à une conclusion inverse consistant à considérer que la cession portait sur un droit futur qualifié par défaut de prestations de services et imposable à la TVA.

Il faudra porter une attention particulière à l’évolution de la doctrine fiscale française en la matière. A notre sens, cette jurisprudence pourrait ne pas concerner les produits de type monnaie électronique (cartes cadeaux notamment), dont l’exonération de TVA résulte de leur nature de service bancaire. En revanche, la situation est moins confortable s’agissant des bons « papier » tels que les chèques cadeaux.

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Benoît Gréteau / Benjamin May