Loi de finances pour 2023 & actualité relative au report d’imposition

Par Nelson Da Riba, associé, et Salomé Saada, collaboratrice.

 

Nous vous présentons, ci-dessous, les principales mesures intéressant les entreprises issues de la loi de finances pour 2023 (loi n°2022-1726 du 30 décembre 2022), publiée au JO du 31 décembre 2022.

 Nous attirons par ailleurs l’attention des contribuables personnes physiques bénéficiant, ou souhaitant bénéficier, du report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter du CGI, l’administration fiscale ayant apporté plusieurs précisions intéressantes au cours de l’année 2022.

 

Hausse de la limite du bénéfice soumis au taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15 %

Loi de finances pour 2023 – article 37

Champ d’application – Le taux réduit s’applique aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés réalisant un CA HT qui n’excède pas 10 M€ et, lorsqu’il s’agit d’une société, si le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par des sociétés respectant les conditions de libération et de détention de capital susmentionnées.

Hausse de la limite du bénéfice – La fraction de bénéfices pouvant être imposée au taux réduit de 15 % passe de 38.120 € à 42.500 €, cette mesure étant applicable pour l’imposition des résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2022.

 

Prolongation du dispositif en faveur des jeunes entreprises innovantes (« JEI »)

Loi de finances pour 2023 – article 33

Prolongation pour 3 ans – Pour rappel, les entreprises répondant aux conditions pour être qualifiées de JEI peuvent obtenir une exonération totale des bénéfices réalisés au titre du premier exercice ou de la première période d’imposition bénéficiaire. Ce dispositif, qui était actuellement réservé aux JEI créées jusqu’au 31 décembre 2022, est prolongé de 3 années, i.e. jusqu’au 31 décembre 2025. La loi modifie toutefois le critère de qualification d’une JEI selon lequel l’entreprise concernée doit être créée depuis moins de 11 ans, ce délai passant désormais à 8 ans.

 

Modification de l’obligation de conservation des titres de l’apporteuse pour les sociétés cotées en matière d’apport-attribution

Loi de finances pour 2023 – article 25

Rappel du dispositif – Conformément aux dispositions de l’article 115, 2 bis du CGI, dans le cadre d’un apport partiel d’actif non représentatif d’une branche complète d’activité ou portant sur des titres assimilés à une branche, l’attribution gratuite des titres émis en rémunération de l’apport aux membres de la société apporteuse peut, sur agrément préalable délivré par l’administration fiscale, bénéficier d’un régime de neutralité fiscale.

Conditions d’obtention de l’agrément – Plusieurs conditions doivent être respectées pour obtenir l’agrément, au titre desquelles est exigé un engagement de conservation des titres de la société apporteuse, pendant 3 ans à compter de la date de réalisation de l’apport, par ses associés qui détiennent, à la date d’approbation de l’apport, 5 % au moins des droits de vote.

Dispense d’engagement de conservation – Seront désormais dispensés de cette obligation de conservation les actionnaires susvisés lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies : (i) les actions de la société apporteuse sont admises aux négociations sur un marché réglementé français ou européen, (ii) la société apporteuse n’est pas contrôlée par un actionnaire ou groupe d’actionnaires agissant de concert au sens des dispositions de l’article L 233-3 du Code de commerce et (iii) l’actionnaire détenant au moins 5 % des droits de vote de l’apporteuse n’exerce pas une influence notable sur la gestion de cette dernière au sens des dispositions de l’article L 233-17-2 du Code de commerce.

 

Précisions relatives aux groupes TVA

Loi de finances pour 2023 – articles 86 et 91

Rappel du contexte et date de dépôt du périmètre – Depuis le 1er janvier 2023, les personnes assujetties en France et étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et organisationnel peuvent constituer un groupe TVA. La date de dépôt de la liste des membres composant le groupe TVA, appréciée au 1er janvier de l’année, qui devait être déposée chaque année par le représentant dudit groupe avant le 31 janvier, est avancée au 10 janvier de chaque année, cette mesure étant applicable à compter du 1er janvier 2024.

Garanties prévues en cas de contrôle – Les modalités spécifiques de contrôle fiscal prévues pour les membres d’un groupe TVA sont aménagées à compter du 1er janvier 2023. Ainsi, l’obligation d’indiquer le montant des conséquences financières du contrôle en matière de TVA ne porte plus sur les montants dont le membre serait redevable en l’absence d’appartenance au groupe, et l’administration fiscale peut désormais procéder à plusieurs vérifications ou examens de comptabilité pour une même période d’imposition à l’encontre des membres du groupe TVA et non pas seulement du représentant du groupe TVA.

 

Suppression de la CVAE à compter de 2024 et ajustement du plafonnement de la CET

Loi de finances pour 2023 – article 55

Réduction de moitié de la CVAE en 2023 – Pour rappel, le taux d’imposition à la CVAE est fixé à 0,75 % pour les entreprises dont le CA HT est supérieur ou égal à 50 M€, tandis que l’imposition de la valeur ajoutée pour les entreprises ayant un CA HT compris entre 500.000 € et 50 M€ suit un taux variable dégressif (i.e. lorsque le CA HT est inférieur à 500.000 €, l’entreprise est exonérée de cotisation). Pour les impositions dues en 2023, le taux d’imposition pour toutes les entreprises est réduit de moitié (soit 0,375 %) et le taux variable dégressif de la même manière.

Suppression de la CVAE en 2024 – Pour les impositions établies à compter de 2024, la CVAE est supprimée.

Baisse du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée – La CET de chaque entreprise étant plafonnée à 2 % de sa valeur ajoutée, l’excédent de la cotisation qui excède ce plafond pouvait faire l’objet d’une demande de dégrèvement du contribuable. Le taux de ce plafond est abaissé à 1,625 % pour les impositions relatives à la CET dues au titre de 2023 et à 1,25 % pour les impositions dues à compter de 2024 et les années suivantes.

 

Prestataires de services de paiement et obligation de tenue d’un registre à compter de 2024

Loi de finances pour 2023 – article 87

Prestataires de services de paiement concernés – Une obligation de tenue d’un registre des paiements transfrontaliers et des bénéficiaires de ces paiements est instaurée à compter du 1er janvier 2024 pour les prestataires de services définis comme tout établissement de paiement, de monnaie électronique, de crédit et les offices de chèques postaux qui ont en France soit leur siège social, soit leur administration centrale, soit un agent ou une succursale, soit y fournissent des services de paiement.

Paiements concernés – L’obligation concerne la fourniture de services de paiement correspondant à plus de 25 paiements transfrontaliers destinés à un même bénéficiaire au cours d’un trimestre civil. L’article 286 sexies du CGI renvoie à la définition réglementaire de paiements dès lors que ces paiements sont transfrontaliers (i.e. le payeur se trouve dans un Etat membre de l’UE et le bénéficiaire se trouve dans un autre Etat membre de l’UE ou dans un pays/territoire tiers).

Contenu, format et transmission du registre – Suivant les dispositions de la directive, le registre doit contenir certaines informations qui seront fixées par décret en Conseil d’Etat. Ce registre, tenu au format électronique, doit être conservé pendant une période de 3 années civiles à compter de la fin de l’année civile au cours de laquelle le paiement est intervenu et transmis à l’administration fiscale au plus tard à la fin du mois suivant le trimestre civil auquel les données de paiement se rapportent, les modalités de cette transmission devant être fixées par décret en Conseil d’Etat également.

Sanctions – Le défaut de transmission du registre dans les délais prescrits et les inexactitudes ou omissions relevées dans ce registre entraînent l’application d’une amende de 15 € par paiement non déclaré ou déclaré tardivement ou par inexactitude, dans la limite de 500.000 € par prestataire de services de paiement et par trimestre civil auquel l’information se rattache. L’amende n’est toutefois pas applicable en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque l’omission ou l’inexactitude est réparée soit spontanément, soit à la première demande de l’administration avant la fin de la période de transmission des registres.

Entrée en vigueur – L’obligation de tenue et de transmission du registre s’applique à compter du 1er janvier 2024 et s’applique aux paiements réalisés à compter de la même date.

 

Modalités applicables aux règles de facturation

Loi de finances pour 2023 – article 62

Nouvelle solution d’émission ou réception des factures électroniques – Pour les factures établies à compter du 31 décembre 2022, les assujettis peuvent recourir à la procédure du « cachet électronique qualifié » pour émettre et recevoir des factures électroniques.

Dispenses d’amende aux règles de facturation – La suppression relative aux dispenses d’amendes en cas de première infraction aux règles de facturation issue de la loi de finances rectificative pour 2022 est à présent corrigée. Ainsi, en cas de première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des 3 années précédentes, lorsque celle-ci a été réparée spontanément ou dans les 30 jours d’une première demande de l’administration, l’amende de 5 % pour défaut de facturation et celle de 15 € en cas d’omission ou d’inexactitude dans les factures ne sont pas applicables. Cette correction, entrée en vigueur au 1er janvier 2023, concerne les contrôles et contentieux en cours à cette même date.

 

Modification de l’obligation de conservation des documents comptables

Loi de finances pour 2023 – article 62

Rappel du contexte – Les contribuables ont l’obligation de conserver les documents comptables sur lesquels l’administration fiscale peut exercer ses droits de communication, d’enquête et de contrôle pendant une durée de 6 ans. Lorsqu’ils sont établis sur support électronique, ces documents devaient être conservés pendant 3 ans et passé ce délai, au choix du contribuable, être conservés sur ce même support ou sur support papier jusqu’à l’expiration du délai de 6 ans susmentionné.

Conservation des documents établis sur support électronique – Les contribuables ne bénéficient plus de ce choix, la loi de finances pour 2023 prévoyant que les pièces et documents établis à compter du 31 décembre 2022 sur support électronique doivent être conservés sous cette forme jusqu’à l’expiration du délai de 6 ans.

 

Focus : précisions de l’administration fiscale relatives au report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI

Rappel du mécanisme d’apport-cession – Les dispositions de l’article 150-0 B ter du CGI permettent un report d’imposition des plus-values réalisées par des particuliers lors de l’apport de leurs titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés qu’ils contrôlent, sous réserve de respecter certaines conditions. En principe, ce report expire en cas de cession à titre onéreux des titres apportés dans un délai de 3 ans suivant l’apport. Toutefois, les dispositions susmentionnées prévoient qu’il n’est pas mis fin au report d’imposition lorsque la société bénéficiaire de l’apport cède les titres apportés dans le délai de 3 ans et prend l’engagement d’investir 60 % du produit de cession dans un délai de 2 ans suivant la cession dans une activité éligible.

Exemple de montage abusif – Le 14 juin 2022, l’administration fiscale a enrichi sa « carte des pratiques et montages abusifs ».

Le cas exposé par l’administration fiscale est le suivant : un particulier apporte la totalité des titres d’une société opérationnelle A qu’il détient à une société holding B qu’il contrôle, la plus-value d’apport étant alors placée en report d’imposition. Peu de temps après, la société holding B bénéficiaire de l’apport cède l’intégralité des titres A à une société C, société holding nouvellement constituée par un fonds d’investissement et ayant vocation à procéder à la reprise de la société A dans le cadre d’un LBO. Dans le délai de deux ans suivant la cession, la société B investit le produit de la cession des titres A à hauteur de 60 % du produit de cession dans une augmentation de capital de la société holding de reprise C, par compensation avec la créance représentative du prix de cession à recevoir par la société B dans le cadre d’un crédit-vendeur consenti à la société C lors de la cession précédente des titres A.

L’administration fiscale considère qu’il s’agit là d’un montage abusif par application littérale des dispositions susvisées : la réalisation des deux opérations (i.e. cession des titres A puis apport de la créance représentative du prix de cession de ces titres) a en réalité pour objet de décomposer artificiellement une seule et même opération (i.e. l’apport des titres A à la société C). Or, la société B ne contrôlant pas la société C, cet apport de titres ne constitue pas un réinvestissement éligible permettant de maintenir le report.

Ce montage, qui a pour seul objet le contournement de la condition de réinvestissement du produit de cession des titres et qui a permis artificiellement le maintien du report d’imposition de la plus-value d’apport, est constitutif d’un abus de droit fiscal entrant dans les prévisions de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales, sur le fondement de la fraude à la loi.

Fin du report d’imposition et imputation des moins-values – Dans un rescrit publié au BOFiP le 7 décembre dernier, l’administration fiscale répond à deux questions relatives à l’imputation des moins-values sur la plus-value dont le report expire.

A cet égard, il est rappelé qu’aucune moins-value ne peut être imputée sur la plus-value placée en report d’imposition. En revanche, à l’expiration du report, les moins-values disponibles subies au titre de l’année de l’expiration du report ou d’une année antérieure (dans la limite du délai de dix ans) sont imputables sur la plus-value dont l’imposition est établie à l’expiration du report d’imposition.

Dans un premier cas, le contribuable a cédé les titres de la société holding reçus en rémunération de son apport pour une valeur inférieure à leur valeur d’apport, l’opération de cession dégageant ainsi une moins-value. L’administration fiscale confirme que cette moins-value est imputable sur le montant de la plus-value dont le report expire.

Il est également précisé que dans l’hypothèse où le contribuable conserve les titres de la société holding et que cette dernière revend, dans le délai de trois ans suivant l’apport, les titres qui lui ont été apportés pour une valeur inférieure à leur valeur d’acquisition, le maintien du report d’imposition de la plus-value d’apport reste subordonné à l’engagement pris de réinvestir au moins 60 % du produit de cession dans le financement d’une activité éligible, la moins-value de cession ainsi réalisée par la société holding n’étant bien entendu pas imputable sur la plus-value d’apport placée en report d’imposition, liée au contribuable personne physique.

Dans un second cas, le contribuable décide la dissolution amiable de sa société holding, de sorte qu’il reprend dans son patrimoine les titres de la société qu’il avait initialement apportés, pour une valeur vénale inférieure à leur valeur d’apport. L’administration fiscale précise ici que la perte constatée en cas d’annulation n’est pas imputable sur le montant de la plus-value dont le report expire.

Rappelant que l’annulation des titres de la société holding reçus en rémunération de l’apport met fin au report d’imposition, l’administration fiscale précise qu’hormis certains cas particuliers d’annulation de titres prévus par les dispositions de l’article 150-0 D du CGI pour lesquels le contribuable peut imputer la perte constatée sur des plus-values de même nature, l’annulation de titres par une société dans le cadre de sa dissolution amiable ne constitue pas un événement de nature à permettre l’imputation d’une perte sur d’autres plus-values de cession de titres.

Fin du report d’imposition et réduction de capital – Dans un autre rescrit publié le même jour, l’administration fiscale répond par la négative à la question de savoir si la réduction de capital motivée par des pertes est un événement susceptible de mettre fin au report d’imposition.

Dans le cas exposé, un contribuable apporte les titres de sa société opérationnelle à une société holding qu’il contrôle, la plus-value d’apport ayant été placée en report d’imposition. Quelques années plus tard, la société holding procède à une réduction de son capital par voie de réduction de la valeur nominale de ses parts, par apurement de pertes accumulées au cours des exercices antérieurs. L’administration fiscale indique qu’en l’absence de remboursement aux associés, la réduction de capital par la société holding, motivée par des pertes, par voie de réduction de la valeur nominale de ses titres, ne met pas fin au report d’imposition de la plus-value d’apport.

Au regard de l’ensemble des précisions apportées par l’administration fiscale sur le mécanisme d’apport-cession, qui témoigne de son attention sur le sujet, nous invitons les contribuables à être vigilants notamment sur les schémas de réinvestissement mis en place et les opérations consécutives à l’apport de leurs titres pouvant mettre fin au report d’imposition. L’équipe fiscale d’Aramis est à leur disposition pour les conseiller au mieux dans ce cadre.

 

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