Responsabilité des douanes à défaut de constitution d’une garantie contre un opérateur en procédure collective

La responsabilité des douanes peut être engagée à défaut de constitution d’une garantie contre un opérateur en procédure collective (CA Rouen, ch. civ. et com., 11 mars 2021, n° 19/04362)

C’est en tout cas l’avis de la Cour d’appel de Rouen dans un arrêt récent. Dans cette affaire, un importateur avait eu recours à un commissionnaire en douane. Ce dernier lui a réclamé le paiement de la TVA à l’importation de manière anticipée. Il est alors tombé en redressement judiciaire, puis en liquidation, et le montant versé par l’importateur a été absorbé par le paiement des créanciers.

L’administration douanière n’ayant jamais reçu le paiement de la part de l’importateur, elle a adressé à l’importateur un avis de mise en recouvrement pour le paiement de la TVA litigieuse.

L’importateur a contesté cet AMR en invoquant deux arguments principaux.

En premier lieu, il a tenté d’argumenter qu’il avait effectué le paiement auprès de son commissionnaire en douane, et qu’il ne pouvait donc pas payer deux fois la TVA. Ce raisonnement est rejeté par la Cour, qui rappelle que le commissionnaire en douane n’est pas mandataire de l’administration des douanes et n’est pas chargé de collecter l’impôt pour son compte. Par conséquent, le paiement entre les mains du commissionnaire n’est pas libératoire.

En second lieu, l’importateur mettait en cause la responsabilité de l’administration qui n’avait pas exigé de caution de la part du commissionnaire en douane, bien que cela soit une de ses prérogatives conférée par l’article 114 du code des douanes. L’administration répondait que la constitution d’une telle caution n’est qu’une faculté pour l’administration, et que l’infraction à l’origine du redressement était une fausse déclaration de valeur et de déclaration du destinataire réel, et non une difficulté financière ou un retard de paiement.

La Cour constate cependant que l’administration douanière était parfaitement au courant des difficultés financières du commissionnaire en douane. Elle avait notamment été associée aux consultations du mandataire ad hoc du commissionnaire en douane. En outre, le commissionnaire en douane payait régulièrement en retard la TVA due par ses clients.

Ainsi, pour la Cour, « [s]i l’article 114, 1 ter [du code des douanes] ne fait pas obligation à l’administration des douanes d’exiger un cautionnement pour la TVA liquidée, il lui confère cependant une prérogative qu’elle ne peut refuser d’utiliser qu’à condition de le faire sans commettre de faute engageant sa responsabilité. […] En maintenant une dispense de cautionnement de la TVA dans ces circonstances et en dépit de l’inscription d’un privilège, l’administration a facilité le maintien d’activité d’un opérateur progressivement devenu insolvable et permis à celui-ci de causer le préjudice de [l’importateur] , dont le paiement de 85 252 € a été absorbé par les pertes [du commissionnaire]. »

Elle condamne donc l’administration douanière au paiement de dommages et intérêt, à hauteur des sommes faisant l’objet de l’AMR. Elle prononce ensuite la compensation avec les sommes faisant l’objet du recouvrement et dégrevé

Pierre Galmiche
Avocat à la Cour