Formalités fiscales : l’amnistie avant l’heure

L’administration offre une fenêtre de régularisation aux contribuables de bonnes mœ“urs fiscales !

Le non-respect de certaines formalités fiscales est sanctionné par des amendes dont la portée dissuasive est réelle. En pratique, les conséquences financières de ces sanctions sont parfois telles que les services fiscaux eux-mêmes peuvent hésiter à les appliquer strictement en cas de contrôle.
Au demeurant, c’est souvent au moment des transactions portant sur les titres des sociétés que l’enjeu de ces sanctions se manifeste : la portée légale de telles sanctions conduit à des calculs sur la probabilité de réalisation du risque que n’aurait pas reniée Pascal. Aussi, au moment de négocier les termes des conventions de garantie de passif, de telles irrégularités peuvent avoir un effet direct tant sur les déclarations que sur les montants retenus pour l’indemnisation des préjudices.

Trois séries de formalités font ainsi traditionnellement l’objet d’un intérêt particulier et figurent parmi les « tartes à la crème » des rapports de due diligence fiscale :
– Les imprimés fiscaux uniques (IFU-imprimé 2561) destinés à déclarer les revenus de valeurs mobilières : une amende de 50 % sanctionne les sommes non déclarées.
– Les déclarations de commissions, courtages, ristournes (déclaration DAS 2) : une amende de 50 % sanctionne également les sommes non déclarées.
– Les états de suivi des plus-values en sursis d’imposition visés à l’article 54 septies I du Code général des impôts : une amende de 5 % sanctionne le défaut de production ou le caractère incomplet de cet état.
A l’occasion de deux rescrits récents, l’administration revient sur ces deux dernières sanctions et offre une fenêtre de régularisation dont les entreprises devraient massivement profiter.

1. Rescrit relatif aux déclarations DAS 2

1.1. Rappel du dispositif légal

Le non-respect de l’obligation de déclarer les commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres vacations, honoraires, gratifications et autres rémunérations entraîne l’application d’une amende de 50 % des sommes non déclarées. Toutefois, le rescrit rappelle que l’amende n’est pas applicable si deux conditions sont remplies :
– Il s’agit de la première infraction commise au cours de l’année civile en cours et des trois années précédentes ;
– L’omission est réparée avant la fin de l’année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite.

1.2. Procédure de régularisation

Le rescrit publié le 14 février 2012 (RES 2012/6) offre aux entreprises l’opportunité de régulariser les déclarations des trois années précédentes sous deux séries de conditions :
– l’entreprise présente une demande de régularisation pour la première fois,
– et, l’entreprise doit pouvoir justifier notamment par une attestation des bénéficiaires que les rémunérations ont été régulièrement déclarées par ces derniers dans les délais.
Compte tenu de cette dernière condition, l’administration fiscale ne devrait par conséquent pas accepter les régularisations par voie de simple dépôt de déclarations DAS 2 rectificatives. A cet égard, certaines entreprises pourraient être dissuadées de régulariser leurs états DAS 2 en raison du nombre et ou de la qualité des bénéficiaires des sommes et de la charge de la preuve qui leur incomberait.

2. Rescrit relatif aux états de suivi des plus-values

2.1. Rappel du dispositif légal

Les états prévus aux articles 54 septies I et III du Code général des impôts doivent être souscrits à l’occasion d’opérations de restructuration principalement pour assurer le suivi des plus-values dégagées qui ont bénéficié d’un sursis ou d’un report d’imposition. En matière de fusion, ces états doivent, en particulier, être fournis si les apports sont valorisés à la valeur réelle ou si l’opération a dégagé un mali technique de fusion. Le non-respect de ces formalités conduit à l’application d’une amende de 5 % des montants omis.

2.2. Procédure de régularisation

Le second rescrit publié le 21 février 2012 (RES 2012/8) offre aux entreprises l’opportunité de régulariser leur situation sous condition :
– La démarche de la société est spontanée et n’est pas causée par une demande particulière des services fiscaux ou par un contrôle,
– La situation déclarative devra faire apparaître une moralité fiscale irréprochable.
Soupçonné d’amoralité, le droit fiscal français se réfère de façon croissante à la notion, subjective par nature, de moralité fiscale, érigée en condition d’octroi de certains privilèges fiscaux (accréditation d’un représentant fiscal, agrément de centre de gestion comptable, autorisation d’achats en franchise de TVA). Au cas présent, il faut espérer que l’examen de conscience soit limité au contrôle par l’administration fiscale du respect des délais de dépôt des déclarations.
Opportunité de régularisation
Il est vraisemblable que de nombreux contribuables en situation irrégulière vont profiter de ces rescrits favorables. On ne saurait, à cet égard, que conseiller aux entreprises de procéder à une réparation de leurs formalités dans les plus brefs délais dans la mesure où la fenêtre de régularisation pourrait, symétriquement, être refermée par simple décision administrative. Par ailleurs, compte tenu de l’interprétation stricte qui doit être donnée à ces prises de position, espérons que l’administration formalise prochainement une position analogue en matière d’IFU.
En contrepoint et pour l’avenir, il ne peut être exclu que l’administration adopte, au contraire, sur ces sujets, une approche moins clémente pour les entreprises qui n’auraient pas profité de sa bienveillante tolérance.